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- Culture
- Collection Victor Hugo
«Le Monde» republie les œuvres hugoliennes dans leur édition de référence, enrichie de gravures, de textes posthumes et d’éclairages historiques. Interprète et lecteur de l’écrivain, le comédien décrit ce que lui insufflent la musicalité et la force de ses œuvres.
ParChristophe Averty
Temps de Lecture 4 min.
«Hugo, c’est une langue d’une immense clarté, un verbe qui s’incarne, un rythme, une musique que rien n’altère», confie le comédien Guillaume Gallienne. Sa proximité avec l’auteur remonte à l’enfance et peut-être au-delà. Issus de huguenots exilés dans les îles anglo-normandes après la révocation de l’édit de Nantes, les Gallienne comptent aujourd’hui de nombreux descendants sur l’île de Guernesey, où Hugo s’exila près de quinze ans.
Initié à la poésie de Hugo par son père, Guillaume Gallienne s’est plongé dans le tendre et intime Demain dès l’aube, puis le sombre et emphatique Ultima Verba, bien avant de découvrir Les Misérables. Ses rôles – Simon Renard dans Marie Tudor, puis Lucrèce Borgia, dans la mise en scène de Denis Podalydès pour la Comédie-Française – ne feront que conforter son regard sur l’auteur qui toujours s’évertue à trouver en chaque être, jusque dans le plus cruel, une once d’humanité. «Je cherche dans cet océan de noirceur la goutte de lait qui va teinter tout le reste», écrit Hugo à propos de Lucrèce, dévoilant, de sa monstruosité, un cœur de mère capable de tout changer. Tel est pour Guillaume Gallienne l’un des ressorts qui sous-tendent l’œuvre et les engagements de l’écrivain.
Un vaste orchestre
Le comédien admire sa capacité à tirer la chair des mots, à modeler sans cesse un même terreau au théâtre, en poésie, dans ses romans ou ses allocutions publiques. «Car, insiste-t-il, chez lui, c’est le texte qui décide. La musicalité de sa langue indique son jeu au comédien. Il faut rester extrêmement concret, opératique. On ne peut pas se laisser aller au lyrisme. L’envolée vient seule de la langue hugolienne, interdisant tout pléonasme.» Aussi, pour Guillaume Gallienne, l’œuvre de Hugo compose un vaste orchestre, où, du plus humble au plus majestueux, tous les instruments résonnent avec la même importance, dans une vivante harmonie souvent proche des œuvres lyriques de Giuseppe Verdi.
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Alternant sans cesse élan et trivialité, dans le flot et la longueur de la langue, Hugo se place, selon la formule de Denis Podalydès, «entre le grotesque et le sublime», entre pompe et radicalité. Son verbe s’incarnera dans l’immédiateté de sa lecture. Telle fut, par exemple, la prouesse du comédien, qui, dans la série radiophonique «Un été avec Hugo», signée Laura El Makki, s’est gardé de lire ou d’étudier ses textes avant leur enregistrement. Laissant ainsi libre cours à la spontanéité de la découverte, «ici et maintenant», et à la puissance du verbe de Hugo, Guillaume Gallienne a fait oublier le comédien pour ne servir que l’auteur.
Au théâtre, en revanche, le jeu, le rythme, les longues tirades que tresse Hugo appellent un travail introspectif nourri de nombreuses répétitions, pour épouser l’idée et la vision du metteur en scène tout en investissant l’humanité complexe des personnages. Car, ici encore, le dramaturge livre bataille. Si Lucrèce, écrite en prose en quelques jours, en réaction à la critique assassine du Roi s’amuse, libère des flots de rage et de passion, Hernani empoigne la forme poétique à bras-le-corps. En héritier de Shakespeare, qui a rompu le pentamètre iambique, en faisant succéder une syllabe longue à une courte, Hugo brise l’alexandrin racinien.
«Une énergie hors du commun»
Dans le fond et la forme, Hugo aura été de tous les combats. C’est pourquoi, en regard de la richesse d’une personnalité aussi complète que multiple, le comédien regrette l’image de patriarche que L’Art d’être grand-père nous a laissée, occultant la force de sa nature, sa pensée profonde et souvent visionnaire. «Ses encres peintes à Guernesey, que l’on peut voir actuellement à Paris, au Petit Palais [dans le cadre de l’exposition « La force du dessin »], conjuguent force, matière et densité, faisant des éléments une concrète abstraction. Elles disent l’homme, dans toutes ses dimensions et dans cette énergie hors du commun qui fait l’auteur.»
Par-delà les mots, y aurait-il chez Hugo une sorte de magie intemporelle, universelle? Pour Guillaume Gallienne, aucun doute possible: «En disant ses poèmes, on devient le poète. Son texte fait plus que résonner: il implique, embrasse, embarque.» Pour le comédien, Hugo incarne la différence entre un gentleman et un grand Monsieur, qui ne s’embarrasse pas de bonnes manières pour atteindre une essentielle élégance. Son verbe, son vers, sa théâtrale poésie, tour à tour contemplative, politique, tendre, historique, servent son inlassable credo, énoncé dans Les Misérables: «Chose admirable, la poésie d’un peuple est l’élément de son progrès. La quantité de civilisation se mesure à la quantité d’imagination.»
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Hugo n’aura pas cherché à prolonger le siècle des Lumières, mais, allant toujours de l’avant, il incarne l’esprit français dans toutes ses diversités, ses faiblesses comme ses élans héroïques. Deux siècles après son existence intense et tumultueuse, il transmet toujours une force tellurique qui semble ne pouvoir s’éteindre ni dans son théâtre ni dans sa poésie. Tel un témoin passé aux générations à venir, un manifeste de sa foi en l’humanité, Victor Hugo jette dans Persévérance les mots de son espoir:
«N’importe. Allons au but, continuons. Les choses,
Quand l’homme tient la clé, ne sont pas longtemps closes.»
Plus d’informations sur la collection Victor Hugo en consultant le site qui lui est consacré.
Christophe Averty
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